Vers une ubérisation des services des détectives privés ?

Grand angle - L'oeil du REP

L’économie mondiale et les marchés sont en constante évolution. Depuis quelques années, un terme non sans polémique est apparu, redéfinissant la rencontre entre l’offre et la demande : l’ubérisation.

À la suite de l’expansion de l’entreprise américaine Uber en France à partir de 2012, deux termes apparaissent en 2017 dans les dictionnaires : « Ubérisation » dans le Petit Larousse et « Ubériser » dans le Petit Robert. Leurs définitions indiquent pour l’un « la remise en cause d’un modèle économique […] par l’arrivée d’un nouvel acteur proposant les mêmes services à des prix moindres » et l’autre « transformer […] un modèle économique innovant tirant parti du numérique ».

Économiquement, cela revient à reprendre les concepts de l’économique collaborative en choisissant de structurer le produit et en devenant un réel opérateur.

Aujourd’hui, quel que soit le secteur économique, le digital remet en question le business model d’une entreprise ou d’un auto-entrepreneur pour répondre à la demande. Qu’en est-il du secteur privé ? Et surtout quelles en sont les répercussions ?

 

Analyse d’Uber et de son business model

Avoir un modèle économique est essentiel pour une entreprise, car il fournit un cadre pour générer des revenus et atteindre la rentabilité.

Il existe plusieurs modèles économiques dits traditionnels. Sans être exhaustifs, les plus connus sont : le BtoB, le BtoC, le marketplace (Uber ; Airbnb), l’abonnement (Netflix) et le Freemium (Spotify, LinkedIn).

Ces nouveaux modèles sont dits disruptifs, comme celui de la marketplace avec Uber. De ce fait, ils ne disparaîtrons jamais. Alors, en quoi l’entreprise américaine est-elle innovante au point de créer une nouvelle terminologie ?

Les caractéristiques principales de l’économie collaborative d’Uber sont :

  • La flexibilité et l’accessibilité. Pratiquement n’importe qui peut devenir chauffeur. 
  • Démocratisation de l’offre de service. L’accès à des services de transport individuel est devenu plus facile et abordable pour un bon nombre de consommateurs. Les prix sont souvent inférieurs à ceux des taxis traditionnels.
  • Dynamique de la demande et de l’offre. Le système de tarification en temps réel permet à la plateforme d’ajuster les prix en fonction de l’offre et de la demande, maximisant ainsi son efficacité.

De cette économie collaborative, nous pouvons constater des éléments innovants, tels que  :

  • Le contrôle de l’expérience utilisateur à travers des normes de qualités, de service et de tarification, établies par Uber. Ainsi, même s’ils sont indépendants juridiquement, ils ont toutefois une « politique interne » à respecter.
  • Un rôle de pseudo-employeur. Uber fixe les conditions de travail, les tarifs et les critères de performance, ce qui crée une forme de relation employeur-employé déguisée. C’est un des éléments majeurs qui distingue Uber et une autre plateforme marketplace.
  • L’algorithme sophistiqué. Grâce à l’algorithme, les courses sont réparties et les prix sont ajustés en direct ; contrairement au marché traditionnel où l’offre et la demande interagissent de manière plus statique.
  • L’effet de réseau. L’augmentation du nombre d’utilisateurs (tant chauffeurs, que passagers) améliore le service pour tous les participants. En somme : plus il y a de chauffeurs, plus les temps d'attente sont courts, et plus il y a de passagers, plus les chauffeurs ont de courses disponibles.

 

Même si Uber est connu et implanté dans le monde entier, des avantages comme des inconvénients sont à relever :

Pour nous, en tant que consommateur, cela nous simplifie notre manière de nous déplacer. Nous pouvons grâce à une seule interface « commander » rapidement, facilement et à moindre coût un chauffeur privé. Plus besoin d’attendre la fin de la course et de surveiller le compteur du taxi pour savoir combien nous devons payer à la fin.

Par ailleurs, avec la nouvelle politique d’Uber nous pouvons nous sentir encore plus en sécurité !

 

Pour eux, en tant que chauffeurs privés (VTC)

Les travailleurs des plateformes sont juridiquement indépendants. Ils ne sont pas soumis à un lien de subordination tel que le définit un contrat de travail mais ils sont pourtant dépendants des plateformes. Source d'insécurité pour les travailleurs, l'ubérisation a ainsi été remise en cause lors de procès pour "salariat déguisé" avec les préoccupations sur les droits sociaux et la protection des travailleurs.

 

Pour d’autres professionnels, les chauffeurs de taxis traditionnels ont vu leurs parts de marché réduites d’année en année à cause de la nouvelle technologie.

 

Maintenant, si l’on remplaçait les chauffeurs VTC, par des détectives privés ?

Le(s) business model(s) actuel(s) pour le secteur de l’investigation privée

Actuellement, les agences de détectives privés reprennent des business model classiques comme le BtoB et le BtoC. Pas d’application en vue pour « commander » un détective privé dans le quart d’heure qui suit, ni géolocaliser le Client pour le rencontrer en physique. Certes, depuis la pandémie du Covid-19, de nombreux outils numériques sont entrés dans les usages et politiques commerciales pour échanger avec les prospects et Clients. Que ce soit pour la Visio, pour faire signer un contrat à distance, etc. 

Toutefois, ces méthodes de travail ne peuvent pas être considérées comme disruptives au point de remettre en question tout un modèle économique.

Alors pourquoi certains tendent à dire que de nombreux secteurs s’ubérisent (à cause de la nouvelle technologie) ? Est-ce un abus de langage ?

Des plateformes qui reposent sur le modèle de l’économie collaborative se développent pour les métiers de consulting, services, conseils, etc. Les plus connues sont Malt, Mon consultant indépendant, Star of Services, etc. Nous pouvons même y retrouver des détectives privés sur les plateformes précitées !

Grâce à une interface gérée par une entreprise indépendante, les entreprises ou particuliers qui ont un besoin ponctuel peuvent trouver dans un « catalogue » numérique des professionnels situés dans leur zone géographique. Si le contrat est validé, la plateforme prend, à l’instar d’Uber, une commission. Le point en commun avec le business model d’Uber s’arrête là. Les prix n’évoluent pas en temps réel selon l’offre et la demande. Il n’y a pas de « pseudo employeur », donc chaque agence reste indépendante avec sa propre politique interne et externe. 

De ce fait, on peut se demander si un nouvel entrant sur le marché pourra un jour changer complètement le modèle économique des détectives privés. S’il arrive à « ubériser » la profession, quelles en seraient les enjeux ?

Répercussions d’une ubérisation sur le métier d’ARP

Les enjeux quant à la venue d’un “Uber pour les détectives” ne sont pas négligeables. En effet, une politique interne (conditions de travail, tarifs plus ou moins uniformisés et critères de performance définis) pour les détectives privés en France, auraient des conséquences positives, mais aussi négatives sur la profession.

Enjeux économiques et financiers 

Si la prétendue plateforme « démocratise » l’accès aux services de détectives privés, cela créerait inévitablement un monopole sur le marché français. Elle aurait une position dominante pour être « seule » à proposer les services de tous les détectives privés sur le territoire français. Cette intermédiation numérique ferait baisser les prix et la demande pourrait augmenter, notamment pour des affaires plus banales. Néanmoins, cela se répercuterait sur l’ensemble des prix de chaque agence de détectives pour rester compétitifs et garder une certaine rentabilité. Par conséquent, le risque de dépendance économique et la précarisation des conditions de travail augmenterait et remettrait également en question l’utilité du statut du CQP.

 

Toutefois quelques points positifs pourraient être relevés. À ses frais, elle prendra en charge tous les investissements pour la communication et le marketing de la profession. Voire éventuellement les coûts de la formation continue obligatoire tous les 5 ans ?

Par ailleurs, cet outil créerait un peu plus de stabilité (financièrement et psychologiquement) pour recevoir de la demande beaucoup plus facilement, notamment pour les jeunes agences. En effet, ces dernières perdraient moins d’énergie (et moins d’argent) pour prospecter et pour communiquer, libérant plus de temps pour gagner en expérience professionnelle.

Enjeux réputationnels 

La réputation est indéniablement liée à l’enjeu économique que proposerait le modèle Uber. Avec cette notion de précarité et ce besoin de rester compétitif, le fait d’accumuler les missions à bas coûts avec peu de délais aura un impact sur la qualité du service. Cela est également un frein sur la notion de développement de l’agence, car cela n’est pas propice à l’innovation ni au besoin d’obtenir un avantage concurrentiel pour s’améliorer et « devancer » le confrère/consœur.

 

Si l’on considère que c’est la plateforme qui, à elle seule, est « l’image forte » de toute la profession en regroupant en un seul endroit tous les ARP, alors :

 

  • La mauvaise qualité du service voire des dérives de quelques professionnels peut entacher l’image de tous les détectives.
  • Standardiser les services aura un impact sur la confiance des Clients, qui attendent un maximum d’accompagnement personnalisé pour défendre leurs intérêts.
  • L’image de chaque agence ne sera pas mise en valeur et renforcera cette notion de dépendance économique.

 

Toutefois, les indépendants qui ne souhaitent pas développer leur propre clientèle et qui souhaitent rester dans l’ombre trouveront cet outil utile et nécessaire.

 

Enfin, qu’en est-il du fonctionnement de cette plateforme ?

Enjeux techniques et juridiques

Beaucoup de questions peuvent se poser. Que ce soit en termes de contrat et de politique interne uniformisée pour éviter les dérives du salariat déguisé. De responsabilité (notamment envers le CNAPS), mais aussi tout ce qui est en lien avec la protection et la confidentialité des données. Point important pour renforcer la confiance du Client et renforcer l’image du détective privé.

Contrairement à Uber, où la formation pour devenir chauffeur VTC est d’environ 20€, afin d’obtenir la licence ; le processus pour être détective privé agréé en France est plus cher et contrôlé. Effectivement, pour être accrédité et intervenir légalement, il faut au maximum le trio « CAR-AGD-AUT ». La plateforme devra alors constamment filtrer, vérifier et sélectionner les profils agréés dans l’algorithme. Que ce soit pour les entrants, mais aussi pour ceux qui pourraient perdre leurs agréments pour X raisons. Cela rend ainsi la régulation fastidieuse et coûteuse avec la possibilité à moyen et long terme de ne pas voir certaines failles dans le système.

 

Quid de l’avenir ?

Après avoir analysé et comparé la réalité des modèles actuels, il va sans dire que l’ubérisation du secteur n’est pas encore présent, même si certains le pensent.

Il faut aller plus loin que la simple « digitalisation rapide » du métier. À l’heure actuelle, aucune plateforme ayant le même modèle économique qu’Uber est sur le marché et a le monopole en France.

Pensez-vous que si l’on tend vers une ubérisation du secteur, des dérives similaires à Uber seraient inévitables ?

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